Laboralys n°10 | L'atelier du facteur de clavecins Jacques Magnette

Comment contenir un pincement au coeur à l'écoute du son subtil d'un clavecin ? C'est comme s'il nous replongeait dans un passé baroque, lointain et pourtant si familier. A l'’opposé du frappé d'un piano, instrument plus courant et plus populaire, les cordes du cemballo se laissent pincer comme autant de doigts de fées qu'il y a de notes. Le son est rauque, granuleux, vibratoire, poétique même. On sent le métal qui s'’exprime avec ferveur, comme s'il émettait son dernier cri et qu'’il s'adressait à son confesseur. La partition se déroule à l'image des à-coups d'un pinceau pointilliste dont la couleur s'étale sur une toile tendue. La tension est là en permanence, dans toute la structure, pour laisser la note s'exclamer ou ramener le sautereau à sa position de repos. Des bois de tous genres, des colles multiples, du cuivre, des rivets, des chevrons, le tout au service d'une structure complexe qui s'’étend discrètement devant un clavier aux touches acérées.



Jacques Magnette a parcouru un chemin autodidacte et atypique pour devenir l'un des rares facteurs de clavecins en Wallonie. Son parcours force l'admiration lorsque l'’on constate les qualités esthétique et technique de ses instruments. Il nous a ouvert les portes de son atelier et a partagé avec nous une connaissance approfondie de la construction d'un clavecin. Mais pas seulement. Il s'’est également révélé un excellent pédagogue et un chercheur éclectique. Ne laissant aucun détail de côté, il a mené au cours de ces vingt dernières années de nombreuses expériences, recherchant l'’effet sonore et esthétique optimal tout en assurant une qualité technique irréprochable. Testant toutes sortes d'essences de bois, les uns plus exotiques que les autres, il tente de percer les secrets de la nature afin que la matière révèle harmonieusement toute sa puissance vibratoire. Les colles qui les assemblent sont sélectionnées avec soin, voire même préparées à l'’atelier. La curiosité de Jacques Magnette est comme une recherche insatiable de la perfection. Au-delà de la construction d'un système mécanique bien rôdé, Jacques Magnette est en quête d'un Graal sonore.


Reportage publié le 18 décembre 2011.