Laboralys n°26 | La forge du maréchal ferrant Ferdinand Baré



Ferdinand ne peut dissimuler un visage charismatique derrière sa sympathique moustache. Une moustache digne du métier qu'il exerce. C'est en tout cas l'image d'Epinal que projetait le métier de maréchal ferrant dans mon imaginaire. L'image d'un métier ancien et noble, dans la pure tradition, perdu au milieu des milliards de pixels qui régentent notre vie quotidienne.

A l'heure de l'automatisation mécatronique, de la qualification iso-compulsive, de la réduction des coûts, de la compression du temps de travail, de la production en chaîne et enchaînée à la rentabilité, Ferdinand continue de marteler à la force du poignet de vrais fers qu'il posera sur les sabots de vrais chevaux.

Plongeon dans le réel.

Une grange transformée en forge surplombe un verger givré, en ce frais début de mois d'avril. Mais le froid n'a pas sa place devant le foyer qui crache goulument de larges flammes sous la hotte d'acier. Ferdinand porte déjà un fer au rouge lorsque nous arrivons dans son refuge, son antre, l'endroit où il passe le plus clair de son temps lorsqu'il n'est pas en train de ferrer ses chevaux.



Voilà trente-deux années que Ferdinand exerce ce métier. Il en connaît tous les secrets et astuces. Ses gestes paraissent machinaux, tant son contact à la matière est intime. Et pourtant, tout est raison. Une histoire de passion qu'entretient un artisan pour son art depuis bien des années. Il n'y a pas d'atavisme dans le choix de Ferdinand à devenir maréchal ferrant. Il a appris son métier dans une école Bruxelloise à une époque où trois cents autres jeunes de son âge se vouaient au même dessein. Ce nombre est aujourd'hui retombé à une poignée d'irréductibles qui se comptent sur les doigts d'une main.

D'innombrables outils entourent Ferdinand, tous confectionnés par ses soins. Ces ustensiles qui l'aident à fabriquer sont eux-mêmes nés de cette forge, accouchés sous les mains savantes de l'artisan. Un cercle vertueux, basé sur un recyclage non théorisé mais de bon sens. C'est une magie qui tient de la naissance et de la prolifération, comme nucléation et croissance, partant d'une goutte d'acier en fusion, alimentée seulement par la matière première alliée au feu et au talent.

La mémoire de Ferdinand est le meilleur allié de ses mains. Chaque sabot de chaque cheval dont il s'occupe est enregistré dans ses gestes, façonnant le fer sur mesure pour l'animal. Aucun appareil de mesure pour cela, juste un regard aiguisé et des mains expertes. Et au moment de la pose, nul besoin de réajuster la pièce comme l'exigent les fers industriels standardisés dans leurs dimensions. On est dans le travail de précision, loin des grandes séries, et tout près du client.

Article publié le 14 avril 2013.