Laboralys n°41 | Le beau, le brut et l'artisan

De l'arbre à l'objet, la mutation est assurée grâce aux mains de l'artisan. Transformation de la matière brute en une forme concrétisée, utilitaire ou artistique. Etienne Van Cranenbroeck m'accueille les bras ouverts dans un atelier qui sent bon les essences de bois et la bonne humeur. Sa passion est le bois et son outil est le tour. Muni d'une gouge, Etienne écrit dans la matière, il la modèle au fil de son imagination ou selon des prescriptions précises. Variant les plaisirs, ecclectique dans ses travaux, il exerce son métier d'artisan entre deux pôles, l'un artistique, l'autre utilitaire. Mais les deux ne sont-ils pas liés ? Le beau au service de l'utile.

Etienne Van Cranenbroeck aime l'idée de prolonger la vie d'un arbre grâce à la création qui sort de ses fibres. Après la coupe, extirper une forme de la matière ligneuse revient à donner naissance à une entité qui aura une nouvelle histoire et son évolution propre. Comme l'âme d'un défunt qui se réincarne dans un nouveau corps. Avec ses champignons sculptés dans du bois mouillé [*], Etienne Van Cranenbroeck joue ce rôle de passeur de l'ombre à la lumière, saisissant l'âme d'arbres à peine couchés pour en faire naître des sculptures poétiques. Une seconde vie s'enclenche grâce au miracle des mains et de la gouge.

Etienne ne signe pas ses créations. Il laisse le soin à la nature de leur imprimer l'empreinte du temps: craquelures, rides et patine contribuent à l'oeuvre. Renaissance et prolongation de la vie, comme un fil rouge dans le travail de cet artisan qu'il faut découvrir à tout prix.

[*] Bois d'un arbre à peine coupé. L'oeuvre apparaît en photographie n°8 du Portfolio.




Reportage publié le 22 novembre 2015.



Ce reportage a été rendu possible grâce au soutien de la Province de Namur et de l'Office des Métiers d'Art.