Laboralys n°14 | De feux et de fusions

C'est empreints d'une grande émotion que nous revenons de l'atelier de Grzegorz Gurgul, verrier à Saint-Gérard. C'est d'ailleurs immédiatement que je me mets à l'écriture de cet article tant cette visite nous a plongés dans un lieu fascinant, magique et hors du temps.

La ruelle est étroite, à peine visible depuis l'avenue principale de Saint-Gérard. La nuit est tombée depuis peu et seules quelques étoiles en pamoison devant un croissant de lune éclairent le ciel obscur. La porte vitrée de l'atelier laisse s'échapper une lumière chaleureuse qui guide nos pas vers l'entrée de l'antre du verrier. Passés la porte de l'atelier, une chaleur douce nous envoûte, chassant brutalement le froid resté dehors. L'endroit dégage une sensation de douceur. Rangées le long des murs de l'atelier, de grandes plaques de verre coloré diffusent des lumières multicolores et tamisées. L'ambiance est feutrée, accueillante, cosy même. C'est ainsi que commence la découverte d'un art très ancien, remontant aux temps immémoriaux du Moyen-Age.

Une grande table en fonte siège au milieu de l'atelier. Y sont posés une paire de gants ignifuges, une pelle en bois, un chalumeau et une étrange paire de ciseaux. Face à ces ustensiles, un four immense et irradiant contient le précieux fluide qui sera coulé ce soir. La température y est maintenue à une température comprise entre 1300°C et 1500°C sous l'attention constante du verrier et par l'adjonction de bois. Car ce four fonctionne bel et bien au bois, respectant en cela la méthode traditionnelle du Moyen-Age. Parmi les avantages de cette source d'énergie, on découvre que les cendres volatiles en se mélangeant au verre liquide lui donnent des propriétés de couleurs encore plus riches. Après avoir chauffé la table métallique à l'aide du chalumeau, afin d'éviter un éventuel choc thermique, il est temps d'ouvrir les épaisses portes du four et d'en extraire le creuset incandescent.

Un masque protecteur sur le visage, muni d'une pince à deux dents, Grzegorz Gurgul plonge dans la fournaise et en extrait le creuset contenant le verre liquide porté à haute température. Aussitôt, il se dirige vers la grande table centrale et y déverse le précieux fluide qui se répand rapidement, prenant la forme d'un disque parfait par le seul effet de tensions visqueuses. Au contact direct de la table métallique, le verre se refroidit rapidement et l'on constate déjà des gradients de couleurs entre les bords et le centre du disque orangé. C'est alors que la paire de ciseaux coupe le cordon ombilical entre la dalle de verre fraichement coulée et le creuset, tandis que la pelle en bois est utilisée pour la déplacer vers un four à 500 °C. Ce dernier assure la recuisson qui aura pour effet d'exalter les couleurs. S'ensuit alors un lent processus de refoidissement contrôlé jusqu'à la température ambiante, lequel peut prendre entre deux et trois jours.

Le choix du fondant, les proportions de sable, la température du four, le traitement thermique, la combustion du bois et la présence de cendres dans l'enceinte de combustion, tout cela constitue autant de paramètres qui auront une influence sur la transparence du verre et sa couleur. Cet art venu de la nuit des temps est vécu intensément par Grzegorz Gurgul. La passion et le talent l'animent et il réussit avec succès à faire revivre une tradition ancestrale, empreinte de savoir-faire et de patience, dans un monde toujours plus pressé et automatisé. L'atelier de Grzegorz gardera pour moi l'image d'un espace déconnecté du monde et qui dégage une grande poésie.








Reportage publié le 26 février 2012.