Laboralys n°21 | L'atelier du maître papetier Pascal Jeanjean


Vies électriques, nos corps sont raccordés, nos yeux sont hypnotisés. Electrons et photons se disputent notre préférence, le binaire envahit notre quintessence.

Un déferlement de cristaux liquides inonde notre quotidien, remplace le sang de nos artères par des influx continus d'informations, incube des idées dans nos consciences, remplace nos membres par des prothèses virtuelles. Scrupuleusement rangés dans des bulles individuelles solitaires, nous sommes munis du précieux scaphandre électro-magnétique, conduit d'oxygène avec l'extérieur, démultiplicateur de nos consciences. Des surfaces lisses se laissent effleurer, des boutons se laissent presser, des engrenages électriques sont entraînés et des mots se numérisent, aussi éphémères qu'une pensée, aussi dérisoires qu'un électron dans un océan de câbles. Débauche d'informations, les liseuses remplacent les livres et les bibliothèques se digitalisent. Les écrits s'envolent à la vitesse de la lumière...

Et pourtant, dans ce halo de lumières artificielles se détache un petit cahier fait de papier. Un stylo y griffonne des mots et mon regard est attiré par les gestes de ce voyageur atypique, unique peut-être, dans ce grand aéroport Américain. Il couche dans un calepin ce qu'il pourrait stocker dans une tablette numérique, alors que ses voisins ont les yeux rivés sur l'écran de leur mobile ou tapotent frénétiquement sur le clavier usé de leur ordinateur portable.

Le papier comme matière, le papier comme objet, le papier comme mémoire et le son du stylo qui gratte la surface de cellulose, laissant une rivière d'encre se répandre en courbes harmonieuses. Cette poésie de l'écrit au contact du papier laisse songeur et sa disparition au profit de l'électronique semble lui donner une valeur croissante avec le temps. Et pour défendre cet héritage vieux comme le monde, des artisans, rares eux aussi, continuent de le produire à la façon traditionnelle.

Pascal Jeanjean fait partie de ce corpuscule de résistance. Maître papetier à Braine-le-Comte, il produit son papier à l'étuve dans un atelier qui dégage déjà à lui seul une ambiance poétique. Nous avons suivi pendant près de deux heures chacun de ses gestes depuis le malaxage de la pâte jusqu'au séchage de la feuille de papier. Le reportage photographique qui suit retrace les diverses opérations et démontre toute la poésie que contient le savoir de Pascal Jeanjean. Loin des grandes séries, des supports électroniques, des conteneurs magnétiques, son atelier est un ilot d'authenticité qui inspire le respect pour son art et sa compétence.



Pour en savoir plus, nous vous invitons vivement à visiter le site de Pascal Jeanjean: http://www.papetier.be


Reportage publié le 10 juin 2012.